Accès aux données de santé : l’opposition se précise

DarkVador

Libérez les données de santé ? La perspective ne semble pas enchanter tout le monde. En particulier – allez savoir pourquoi – ceux qui les détiennent…

Depuis son lancement, l’Initiative transparence santé a obtenu de nombreux soutiens au sein de la société civile (citoyens, chercheurs, acteurs privés, médias, corps médical) mais aussi des pouvoirs publics.

De-ci de là, on a vu toutefois poindre quelques voix s’élevant contre un accès plus ouvert aux données publiques de santé. Principal motif invoqué : l’information n’est pas si verrouillée que l’Initiative aimerait le laisser croire. Façon diplomatique de présenter notre appel comme nul et non avenu. Autre argument avancé: la complexité de l’exploitation des données qui de ce fait ne peuvent pas être mises entre toutes les mains.

Dernier exemple en date, Claude Le Pen, Professeur à l’Université Paris Dauphine qui s’est exprimé dans une Newsletter éditée par la société IMS jugeant notre demande de libération des données « un tantinet démagogique ». Pis, la problématique posée par l’Initiative transparence santé « n’a pas beaucoup de sens », selon lui.

Demi d’ouverture

Via l’Institut des données de santé (IDS) un certain nombre d’acteurs peuvent déjà disposer d’informations en provenance du Sniiram, la principale base de données de l’Assurance maladie, avance l’universitaire. Nul ne le nie. Sauf que ce n’est pas suffisant, à notre sens. L’accès à ces données devrait être élargi à l’ensemble de la société civile et non restreint à quelques privilégiés sous la houlette d’un ministère de tutelle décidant qui a le droit d’obtenir de l’information et qui en sera privé. Et si l’accès à ces données ne permet pas de répondre à toutes les questions, leur ouverture constituerait néanmoins un pas majeur dans la transparence de notre système de santé.

Dans un rapport publié tout récemment, l’IDS abonde même dans notre sens rapportant « une utilisation du Sniiram limitée avec des délais d’obtention des données  incompatibles avec l’enjeu de santé publique et le pilotage financier du système de santé.

Seuls 5 acteurs ont un accès direct aux données exhaustives anonymisées du SNIIRAM. Plus de deux ans après l’affaire du Médiator, la Haute Autorité de Santé et l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament n’ont toujours pas un accès direct à ces données, ni les grands organismes de recherche publics », regrette l’IDS. Accessibles les données de l’Assurance maladie ?

Pour obtenir des extractions d’échantillons spécifiques de données, les organismes à but non lucratif autorisés à disposer des informations anonymisées du Sniiram sont contraints de passer par la Cnamts, gestionnaire de cette base. « Le délai moyen de leur mise à disposition est de 13 mois et peut dépasser parfois deux années.

Une mine inexploitée

Pour l’IDS, la crainte d’une utilisation détournée [des données publiques de santé, ndlr] a conduit à en limiter l’usage. La protection de l’intérêt public s’est ainsi retournée contre l’intérêt public. Car un large accès aux données aurait vraisemblablement permis une mise en évidence moins tardive des risques liés à l’usage ou au mésusage de médicaments, et pourrait éviter des situations similaires dans le futur. »

« Il est clair que de très nombreuses études de pharmacoépidémiologie et de suivi post-AMM peuvent être réalisées uniquement à partir de la base Sniiram », rappelait pour sa part le Haut conseil de la Santé publique dans un rapport publié en mars 2012 portant sur « l’utilisation des bases de données administratives et médico-administratives nationale pour la santé publique et la recherche ». Rappelons que cette base contient par ailleurs la totalité des données relatives au coût des soins ambulatoires remboursés et aux séjours hospitaliers financés par l’assurance maladie..

L’affaire du Mediator, la surconsommation chronique de certains médicaments, ses conséquences sanitaires et financières, l’explosion des dépassements d’honoraires montrent à quel point les données publiques de santé, le Sniiram notamment, pourraient être mieux exploitées. Mieux exploitées, au risque de nous répéter, pour élargir la possibilité d’informer les citoyens sur le coût et la qualité des soins, mettre en place un suivi de la consommation médicamenteuse en temps réel ou encore appréhender avec une réelle précision les inégalités de l’accès aux soins.

Dans une tribune publiée par Le Monde en février, Marcel Golberg, épidémiologiste affirmait que « s’il existe effectivement de nombreuses difficultés pour une utilisation optimale par la communauté de santé publique des données concernées, il est absolument faux d’affirmer que l’Assurance maladie pratiquerait une politique délibérée de rétention. » De fait, le chercheur travaille en étroite collaboration avec la Cnamts et dispose d’un accès privilégié à ses données. Sa prise de position n’étonnera donc personne.

Chasse gardée ?

Tout comme on ne s’est pas étonné que Frédéric Van Roekeghem, directeur de la Cnamts, affirme que « le Sniiram n’est pas si fermé ». Ou encore que le ministère de la Santé fasse semblant de ne pas entendre notre appel. La position soutenue par Claude Le Pen à l’égard de l’Initiative transparence santé est plus ambiguë.

Sa tribune figure dans une publication éditée, on l’a dit, par IMS Health, une société qui a mis en place depuis des années un dispositif de recueil des données de prescription et de consommation médicamenteuse sur des panels de médecins et de pharmaciens. Elle revend ces données aux laboratoires ainsi qu’aux pouvoirs publics. IMS est le leader mondial dans son secteur.

Pour Claude Le Pen, seules les industries du médicament se voient dans les faits interdire l’accès aux données. « L’extraordinaire complexité » du Sniiram, justifie toutefois que « les extractions soient filtrées par l’Assurance maladie ». Pas question donc d’ouvrir les vannes comme le demande l’Initiative. Selon lui, la situation telle qu’elle existe aujourd’hui n’appelle pas une telle révolution mais « à peine une adaptation » permettant d’instaurer « quelques règles strictes mais faciles à mettre en œuvre qui régiraient l’accès des industriels de la santé à ces données et seulement pour répondre aux questions qui leur sont posées par les pouvoirs publics.

Parmi ces règles, imposer un « tiers de confiance » entre l’Assurance maladie et les laboratoires pharmaceutiques. Un tiers, « agréé par les autorités publiques, « auditable » et offrant des garanties sur le plan technique comme sur celui du respect des règles d’anonymisation des données », précise l’Universitaire.

Ce rôle, IMS Health l’endosserait volontiers. Claude Le Pen s’est chargé de lui tailler le costume… tout en nous habillant pour l’hiver.

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